FUYUNO Niji (1943-2002)
nekojita
titre
  虹 冬野 Niji FUYUNO (1913-2002)
 
nekontact ^..^
ONNA NO HAIJIN
Chiyojo
 
Niji Fuyuno
Hisajo Sugita
Madoka Mayuzumi
 
 
 
 

Née à Osaka, Niji Fuyuno, pseudonyme de Junko Yotsuya, a habité plusieurs années à Tokyo où elle est décédée le 11 février 2002. Sa carrière a commencé par la peinture où elle exprimait sa poésie par des lignes et des couleurs dans un espace cadré. Puis, étudiante, elle a été touchée par les poèmes de l’anthologie Shinkokin-Shû (Nouveau recueil de jadis et naguère, 1206) et par les pièces de théâtre de Monzaemon Chikamatsu (1653-1724). Une autre grande source d’inspiration a été La Poétique de l’espace, de Gaston Bachelard, qu’elle a lue en japonais. Les mots lui sont venus comme la lumière : la couleur, la ligne et le mot coulaient ensemble. Elle aime explorer les possibilités du poème à forme fixe comme le haïku et le tanka, ces petits cosmos qui donnent l’éternité magnifique. On retrouve ses poèmes dans la revue Mushimegane (Loupe) qu’elle a fondée avec Ryu Yotsuya en 1987. Elle a publié le recueil de haïkus Yuki Yohô (Prévision de neige ; Chuseki-sha, 1988) ; en 1993, son poème Ashita Risu ni (Demain, à l’écureuil) a été mis en musique par Akihiro Komori. Elle a coécrit le renku La Corbeille.

Les haïkus qui suivent sont extraits, soit de Mushimegane, soit de Haïku sans frontière (traduits par Niji Fuyuno et André Duhaime), mais également des éditions suivantes.

Traductions en français

- Poème court japonais d’aujourd’hui, traduit par Corinne Atlan (Gallimard 2007).

L’arc-en-ciel sur la balançoire, présenté par Thierry Cazals (Association francophone de haïku 2008).

- Les herbes m'appellent, traduit par Ryu Yotsuya, préface et essais de Thierry Cazals (L'iroli 2012).

水に澄む
二つの体
羊追う

deux corps
se reflétant clairement dans l’eau
courent après le mouton
mizu ni sumu
futatsu no karada
hitsuji ou

齶の海
いったいなんの
蓋かしら

Mer de poissons volants,
qu’est-ce donc que ce couvercle-ci?

ago no umi
ittai nanno
futa kashira

秋繭の
くぼみのごと
くうしなへり

quelque chose est perdue
quelque chose comme le creux à la surface
d’un cocon d’automne

akimayu no
kubomi no goto
kûshinaheri

暗室に
さくらの絵葉書を
忘れ

Dans la chambre noire
j’oublie une carte postale illustrée
de fleurs de cerisier

anshitsu ni
sakura no ehagaki o
wasure

水汲みの
乙女の足の
暗さ哉
l’obscurité
des jambes de la jeune fille
qui puise de l’eau
mizu kumi no
otome no ashi no
kurasa kana

荒海や
縄跳びの中
がらんどう

Mer agitée
l’espace dans le cercle de la corde à sauter
est entièrement vide

araumi ya
nawatobi no naka
garandô

あしの薔薇
眼閉じねば
罅割れる

Roselière
si je ne fermais pas les yeux
j’aurais des fêlures au cœur

ashi no hara
manako toji ne ba
hibiwareru

あしの薔
薇眼閉じねば
罅割れる

Plaine de roseaux -
Si j’ouvre les yeux
Mon cœur se fêle !

ashi no hara
manako toji ne ba hibiwareru

淡雪や
微笑めばすぐ
のの兎

Neige légère
si je souriais
je me changerais aussitôt en lapin de garenne

awayuki ya
hohoeme ba sugu
no no usagi

淡雪や
微笑めばすぐ
のの兎

Neige légère –
Un seul sourire
Et je me change en lièvre !

awayuki ya
hohoeme ba sugu
no no usagi

朝寒の
ただよふ浮子の
ところまで

le froid du matin
va jusqu’au flotteur
qui dérive

chyôkan no
tadayou fushi no
tokoro made

ヂジタルス
きのふのことば
砂に捺す

digitales -
j’appose les mots d’hier
dans les sables

dijitarusu
kinô no kotoba
suna ni sasu

エミュー屈まり
茸のやうに
息づく

l’émeu se blottit
et respire
comme un champignon

emyû kagamari
kinoko no yôni
iki dzuku

フリージャ浅
獺の色の
変りけり

freesias –
le gué change
de couleur

furija asa
kawa no iro no
kawari keri

冬芝の
上のひかりの
忘れ物

sur la pelouse d’hiver
un objet
que la lumière a oublié

fuyushiba no
ue no hikari no
wasuremono

逆光の
水晶に画く
肺のかたち

je dessine
à la surface du cristal à contre-jour
la forme du poumon

gyakkô no
suishô ni kaku
hai no katachi

灰色の
夢に蛍を
ぬりこめる

dans le rêve ténébreux
on enfouit avec le plâtre
les lucioles

haiiro no
yume ni hotaru o
nurikomeru

花眩暈
わがなきがらを
抱キしめむ

Éblouie par les fleurs de cerisier
je serrai dans mes bras
ma dépouille mortelle

hana memai
waga naigara o dakishimemu

花火の
さきを海綿売が
通った

le vendeur d’éponge
passe
au-delà des cierges magiques

hanabi no
saki o kaimenbai ga
tôtta

春の雲
ふるへて映る
ピンセツト

un nuage de printemps
frémit et se réfléchit
sur les brucelles

haru no kumo furuhete utsuru pinsetto

はるのすな
君あらあらし
我かすか

sur des sables du printemps
tu es fougueux
moi fragile

haru no suna
kimi ara-arashi
ware kasuka

はつふゆの
軽い朝日は
如雨露から

commencement de l’hiver –
le soleil léger du matin
naît de l’arrosoir

hatsufuyu no
karui asahi wa
joro kara

火の鳥を
黒点に吸ふ
アネモネよ

L’anémone
qui absorbe l’oiseau de feu
dans ses taches noires

hinotori o kokutenni suu anemoneyo

いさよいぬ
羽ある虫の
溺死体

Dérive
Le cadavre d’une noyée –
Un insecte ailé

isayoi nu
hane aru mushi no dekishi-tai

十ࠪ人
こはかったのと
コーラ飲む

Disant : « nous avons eu peur »,
12 personnes boivent
du coke

jyûninin
kowakatta no to
kora nomu

解剖室
ではクレソンが
のびてゐる

à l’intérieur
du cabinet d’anatomie
le cresson pousse

kaibôshitsu
dewa kureson ga
nobite iru

カインから
アベルへ冬の
いしきあて

De Caïn à Abel
un coussin d’étoffe d’hiver
pour le fond de la culotte d’Abel

Kain kara
Aberu e fuyu no
shikiate

コンパスの
線から手毬
こぼれけり

une balle saute
de la ligne d’arc
du compas

kompasu no
senkara temari
kobore keri

小鳥のぬ
揺れる鏡の
ような市

Un nid de petit oiseau
se balance
comme des miroirs oscillants au marché

kotori no
su yureru kagami no yôna ichi

こはさずに
蛍を袖に
胸に髪に

Ne les cassant pas
Je mets des lucioles
Sur la manche, la poitrine, les cheveux

kowasazuni
hotaru o sodeni
muneni kamini

メリケン粉
海から母の
きつねあめ

Farine-
ondée maternelle dans le soleil
venue de la mer

merikenkona
umikara haha no
kitsuneame

草二本
真珠に映る
パルムの庭

deux herbes se reflètent
à la surface de la perle-
jardin de Parme

kusanihon 
hinju ni utsuru
parumu no niwa

水底の
草に呼ばれぬ
春祭

Je suis appelée par les herbes
du fond de l’eau
fête printanière

minasoko no
kusa ni yobare nu
haru matsuri

名が無くて
すべすべとする
ハンモック

N’ayant pas encore de nom
donc
ce hamac est lisse et glissant

na ga naku te
subesube to suru
hanmokku

ながい草み
ちかい草の
春の夢

le rêve de printemps
d’une herbe longue
et d’une herbe courte

nagai kusami
chisai kusa no
haru no yume

ながい空
蛍の脚は
みちかけれ

le ciel est long –
les pattes de la luciole
sont courtes

nagai sora
hotaru no ashi
mijikakere

苦き根の
はさやを腕組み
したる春

Bras croisés
Le printemps médite
Sur la vitesse des racines amères

nigaki ne no
hayasa o udegumi
shi taru haru

温室に
入ろうとする
砂の音

Dans la serre
Des bruits de sable
Essaient d’entrer

onshitsu ni
hairô to suru
suna no oto

オルフエウス
花屋にくらい
石がある

Ah Orphée !
On trouve une pierre ombreuse
Dans la boutique du fleuriste

orufeusu
hanaya ni kurai
ishiga aru

両手から
蛍の海へ
傾ける

Avec mes mains
j’inclinais une corbeille aérienne
vers la mer des lucioles

ryôte kara
hotaru no umi e
katamukeru

桜色
の大きな湖を
滑る猫

le chat glisse
sur le lac grand coloré
de fleurs de cerisier

sakurairo
no okina mizuumi wo
suberu neko

白梅や
図書館に気絶
している

Ah, fleur blanche de prunier!
on s’évanouit
dans la bibliothèque

shiraume ya
toshokan ni kizetsu
shite iru

白い島
へ白いかやつり
草と私

En direction
de l’île blanche
le souchet blanc et moi

shiroi shima
e shiroi kayatsuri
gusa to watashi

白孔雀
朝めが覚める
時の熱

Un paon blanc –
Au matin
La fièvre me réveille

shiro-kujaku
asa me ga sameru
toki no netsu

消毒後
ほととぎす鳴く
くるほしく

après la désinfection
le coucou chante
éperdument

shôdoku ato
hototogisu naku
kuru hoshiku

鹿の影
こきこの国を
露知らず

je ne sais rien de ce pays
où les cerfs jettent
des ombres denses

shika no kage
koki kono kuni o
tsuyushirazu

年移る
魚の背骨の
せんの上

La nouvelle année s’approche
de l’épine dorsale du poisson
sur ses arêtes en rangées

toshi utsuru uo no sebone no sen no ue

つゆくさを
ちりばめここに
ねむりなさい

incrustée
de commélines
repose ici

tsuyukusa o
chiribame kokoni
nemurinasai

生まれなさい
パンジ一の森
くらくして

naissez,
rendant sombre
la forêt où des pensées fleurissent

umarenasai
panji hito no mori
kurakushite

梅咲けば
網目のやうに
来てねむる

les pruniers fleurissent –
elle vient comme une maille
et elle dort

ume sakeba
amime noyau ni
kitenemuru

兎の眼
栗鼠の眼ひかる
の祈年祭

les yeux d’un lapin et d’un écureuil
brillent –
prières pour le nouvel an

usagi no me
risu no me hikaru
no kinensai

うすらひは
沮を止める
柵なりし

la mince couche de glace
était une barrière
pour endiguer mes larmes

usurahi wa
habamu o tomeru
saku narishi

八重桜
廊下の隅は
繭のやう

Cerisiers à fleurs doubles –
le coin du couloir
apparaît comme un cocon

yaezakura
rôka no sumi ha
mayu no yau

やせた鳥
と四月の海に
墜ちにけり

je fais une chute
sur la mer d’avril
avec un oiseau maigre

yaseta tori
to shigatsu no umi ni
ochini keri

陽のにほふ
泥人形を
ふりむける

statuette de terre
odorant du soleil,
je la tourne vers moi

yô nonihofu 
doro ningyô o
furimukeru

ゆっくりと
空をこぼしぬ
りらの花

elles dégouttent
lentement de ciel liquide
les lilas

yukkuri to
sora o koboshinu
rira no hana

夢のまた
夢青みどろ
大拍手

rêve dans le rêve –
algues vertes embrouillées –
tonnerre d’applaudissements

yume no mata
yume ao midoro
daihakushu

ゆりかもめ
雨の木指して
かへりけり

des huîtriers blancs
rentrent et se dirigent
vers l’arbre de pluie

yurikamome
ame no ki yubi shite
kaeri keri

ゆるらかな
白菜の反りの
休みかな

douce courbe
d’une feuille de chou de Chine –
congé

yurura kana
shirona no sori no
yasumi kana